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Introduction

La mesure de courant dans un circuit est habituellement effectuée au moyen de l'antique et indispensable ampèremètre, appareil que tout électronicien doit maitriser les yeux fermés. Il doit aussi en connaitre les limites, inhérentes au principe de base utilisé.

D'abord, il faut s'insérer dans le chemin du courant. Parfois cela n'est pas possible car destructif ou bien le circuit ne peut pas être arrêté. Ensuite, il y a une certaine perte, puisqu'on ajoute une résistance dans le circuit. Cela peut parfois modifier le fonctionnement dudit circuit. C'est pas pratique dans de nombreux cas, par exemple pour les courants forts.

Il existe un autre type de mesure du courant : les pinces ampèremétriques. Il en existe en fait 2 types :

  • Les systèmes à induction, où on utilise une bobine qui reçoit les variations du courant. Ce type est donc uniquement utilisable pour du courant alternatif.

  • Les systèmes à capteurs à effet Hall mesurent un flux magnétique (et non le courant induit par sa variation). On peut donc mesurer des courants continus dans un conducteur placé à côté.
  • C'est ce dernier qui m'intéresse pour mesurer la consommation de mes cartes embarquées ou de moteurs à courant continu, par exemple. Et une pince ampèremétrique à effet Hall, bien que d'une simplicité formidable (pour un électronicien), ça coûte cher en magasin. Or il se trouve que j'ai justement les quelques composants et accessoires nécessaires sous la main, et un besoin pressant. Voici donc l'histoire d'un bricolage d'une journée comme je les aime bien.

    Le principe

    A la base, je dispose d'un certain nombre de capteurs à effet Hall de type UGN3503, en 2 types de boitier. J'utilise ici le boitier UA car plus petit, donc efficace pour de nombreuses raisons (on peut en mettre deux côte à côte sur la largeur de la ferrite en particulier).

    Les caractéristiques de ce composant sont tout à fait intéressantes, je vous encourage à trouver et lire son datasheet.

  • pas très cher (qqs Euros ?)
  • fonctionne avec une tension d'alimentation de 4,5V à 6V
  • sortie avec une tension proportionnelle au flux capté, centrée sur Vcc/2
  • faible consommation : env. 10mA
  • on branche et ça marche (ça aussi c'est hyper important, j'en ai marre des composants où il faut ajouter un bus I2C, une capture PWM ou une liaison série pour pouvoir leur parler, tels les accéléromètres, capteurs de température, de pression, d'inclinaison et même de courant...)
  • Il y a d'autres versions améliorées de ce circuit, mais c'est celui que j'ai sous la main et on verra plus tard qu'il n'est pas nécessaire de chercher plus loin.

    La documentation du circuit montre aussi un exemple d'utilisation pour la mesure du courant :


    source : http://www.allegromicro.com

    Le principe est aussi expliqué plus en détail sur Wikipedia et appliqué par http://home.nordnet.fr/~fthobois/Mnlb.htm

    Comme j'ai besoin de mesurer des courants relativement "moyens", pas des centaines d'ampères, me vient l'idée de doubler la sensibilité du montage en utilisant deux capteurs en opposition et obtenir une sortie différentielle.



    Vue en coupe


    Vue de profil

    Réalisation

    En fait, le plus difficile concerne le tore de ferrite. J'ai utilisé un tore probablement issu d'une alimentation à découpage, par exemple, car elle "capte" bien le champ magnétique : j'ai mesuré environ 100uH d'inductance avec 10 tours de fil. Une bobine d'antiparasitage de gradateur pour lampe halogène conviendrait aussi, mais j'en utilise une un peu plus petite. Je ne sais pas trop dans quelle mesure le tore influence le montage... même si j'ai quelques indices expérimentaux :-) En tout cas, j'ai fait le bon choix ici.

    Le plus pénible est la préparation mécanique de la ferrite : c'est un matériau très dur mais cassant. En travaillant un premier tore, une partie est tombée par terre sur du béton, et s'est cassée en plusieurs morceaux... Heureusement que j'ai du stock.

  • D'abord, il faut couper le tore en deux. La scie à métaux est ... inefficace. Une très grosse pince bien puissante (genre coupe-boulon) fait l'affaire, mais attention par contre à avoir la pression de la mâchoire répartie simultanément sur les deux endroits à couper.
  • Il faut ensuite enlever de la matière pour laisser la place pour le capteur. Là, pas d'autre solution : il faut poncer avec du papier de verre gros, de grain 40 par exemple. Compter 1/2h pour obtenir un résultat correct...
  • Enfin, positionner les capteurs et les coller à la cyanolyte. C'est une colle assez traitre mais avec un peu de technique, ça va : la cyano adhère bien sur les boitiers des capteurs et la ferrite. Le résultat a même été suffisamment solide par la suite pour supporter le montage, avant de renforcer avec un pistolet à colle.
  • Après soudure des pattes sur un circuit prétroué, il a fallu réaliser le maintient de la "mâchoire". J'ai utilisé du ruban adhésif "électricien", un choix pas forcément judicieux, mais ça marchouille en attendant de mieux. Les pinces ampèremétriques du commerce ont une mâchoire recouverte de plastique avec un ressort et tout, mais pour l'instant j'essaie déjà de faire fonctionner mon truc.


    Aperçu des deux capteurs en opposition


    Pour l'alimentation, j'ai choisi des piles au Lithium de taille AA, donnant 3,1V, issues d'une pile pour appareil photo. J'obtiens donc 6,2V avec un point milieu s'il faut ajouter des montages à AOP par la suite. Les piles Lithium conviennent car elles ont une très longue durée de vie, elles peuvent débiter un courant raisonnable, et surtout STABLE car la précision (surtout le gain mV/A/tour) va en dépendre. Et comme je n'ai aucune idée a priori de la précision du montage, mieux vaut éliminer dès le début les sources d'imprécision.


    Amplification

    Sachant que le niveau électrique en sortie d'un tel capteur est faible, je me suis penché un peu sur les montage d'amplification différentielle. Je n'ai pas trouvé mon bonheur car il faut en pratique 2 AOP pour obtenir un résultat satisfaisant (au moins). En tout cas, j'ai trouvé des pistes intéressantes sur Wikipedia : Amplificateur_d'instrumentation.

    Le point milieu du pack de pile permet de fournir le 0V pour le montage suivant :

    Seulement, j'imagine qu'il y a un offset et je ne vois pas comment le régler sans ajouter un autre AOP.

    Expérimentations

    Pour l'instant, il faut déjà regarder comment se comporte le montage avant de mettre au point un amplificateur.

    Pour une première mise sous tension, je vérifie que tout va bien (pas de court-circuit sur l'alimentation par exemple /o\) et j'allume. La sortie différentielle donne qqs millivolts, tout va bien !

    Ensuite, je passe 10 tours de fil dans le tore et je fais passer 1A : je trouve 205mV, soit une sensibilité tout à fait utilisable en pratique ! Je pense mesurer des courants jusque 10A, soit 2V de différence, ce qui s'adapte bien à mon multimètre 2000 points.

    Déjà, le gain est prodigieusement calé sur 20mV/A/tour, et l'offset est assez faible. Avec un montage à 1 seul capteur, l'offset est d'environ 3V ce qui rendrait la mesure très difficile ! Le calibre 20V ne permettrait de voir au mieux que des variations de 10mV, soit 1A/tour, qu'il faudrait soustraire de l'offset énorme. De plus, le gain serait divisé par deux...


    Quelques mesures de base

    La consommation du circuit a été mesurée à 19mA, ce qui permet de nombreuses mesures avec la pack de piles.

    Je me suis aussi fait une petite table de mesures, pour vérifier la linéarité du système, mais son utilité est un peu limitée par les effets d'hystérésis magnétique. En réalisant cette table, j'ai vu que l'offset bougeait de plusieurs millivolts...

    Conclusions

    Il m'a fallu une petite journée pour me construire un instrument de mesure très utile et économique. Les quelques informations de cette page devraient permettre à d'autres personnes d'essayer ce bricolage chez eux. Merci aux intervenants de fr.sci.electronique pour leurs remarques et leurs informations :-)

    Il reste encore divers points à régler, comme la tension d'offset, le gain précis, la mécanique de la mâchoire (le scotch a tendance à se défaire et fausser la mesure), l'hystérésis dû à la rémanance magnétique du tore de ferrite... mais en l'état, cela fournit des résultats suffisamment utiles pour que je ne m'embête pas avec des AOP.

    Je reste aussi stupéfait que le gain soit aussi bien calé sur 10mV/A/tour/capteur. J'imagine que cela n'est pas dû au hasard et que la sonde utilisée, initialement achetée pour des mesures de distance ou de pression avec un aimant, a été conçue justement pour la mesure du courant. Quelle veine !


    2008-11-11 : J'ai récemment trouvé du métal utilisé pour fabriquer les transformateurs d'alimentation. Celui-ci n'a aucune rémanence, contrairement au tore qui en fait n'est pas du tout adapté à cet usage. De plus, je dispose aujourd'hui d'alimentations permettant de débiter jusqu'à 20A, avec indication du courant...


    Page créée le 12 mai 2008 par Yann Guidon < whygee chez f-cpu point org > Retour à la page d'accueil de ygdes.com