page créée le 1er septembre 2005 par Yann GUIDON (whygee@f-cpu.org)
ATTENTION !
Comme tout ce qui est décrit et documenté sur ce site, ces manipulations sont potentiellement TRES dangereuses !!!
Je me permets d'effectuer ces opérations car j'ai du matériel adapté et 15 ans d'électronique dans les tiroirs.
Je déconseille à quiconque de m'imiter.
Ne venez pas vous plaindre si une batterie vous a pété à la gueule pour une raison ou pour une autre. La moindre fraction de seconde d'inattention et surtout d'inconscience suffit à créer un court-circuit ! Un fil qui traine ou une pince qui dérape et c'est la cata. Pour l'instant j'ai eu de la chance mais on ne sait jamais !

Le problème

Un jour, une personne (que je vais appeler par son prénom : Bernard) m'envoie un e-mail pour demander mon aide. A vrai dire, je ne pouvais pas faire grand-chose pour lui : la batterie de son portable était en fin de vie. Cependant, par rapport à d'autres personnes qui m'avaient exposé le même problème, Bernard a pris sérieusement la chose en main et a trouvé le moyen de se procurer des éléments de remplacement : LG format 18650 annoncés à 2400mAh (en fait la doc dit un peu moins mais tous les fabricants "arrondissent"). C'est l'une des technologies les plus récentes, ajoutant environ 30% d'autonomie par rapport au pack original neuf (parce que 3 minutes d'autonomie, c'est un signe évident de vieillesse).

Donc Bernard commande 9 bâtons et quelques autres goodies pour moi. A raison d'environ 10Euros le bâton, la facture est aussi salée que pour un pack neuf, mais les packs "neufs" ont de toute façon des vieux éléments, qui ont vieilli pendant des années sur des étagères... puisque ce modèle n'est plus fabriqué depuis bien longtemps.

Mais le plus dur reste à faire, et je ne savais pas si tout irait. Angoisse.

La préparation

Avez-vous lu les avertissements sur la page principale ? Chaque fois que je dois souder des éléments, je repense aux épisodes de MacGuyver où il désamorce une bombe. Il faut autant d'expérience, de matériel, de toupet et surtout des nerfs très solides. Alors il faut bien dormir préalablement, et avoir l'esprit complétement disponible et préparé, pour réduire les chances de commettre des erreurs.

Ensuite, un peu comme quand on fait une maquette, on vérifie si tous les éléments sont en bon état et s'assemblent normalement, on fait le tour et on examine les détails.

D'abord, les éléments neufs sont isolés correctements et gardés à distance les uns des autres par du scotch. Une première mesure de la tension nous assure que tout est OK. Puis le pack est examiné, pour retrouver le circuit et les connexions. Bernard l'avait déjà ouvert préalablement, sans rien abîmer semble-t-il, ce qui m'a simplifié le travail.

Rien de sorcier, 3 ensembles de 3 éléments (3S3P) fournissent 10,8V sous 5,4Ah. Le circuit de protection ressemble à tous les autres, les sondes thermiques et le fusible complètent le dispositif. Ce qui est le moins pratique c'est le troisième ensemble, dont les éléments sont répartis autour du pack, rendant les connexions et soudures plus délicates.

Mais avant d'arriver là, il faut s'assurer que le circuit de protection reste constament alimenté durant le remplacement. En consultant des sites spécialisés dans le reconditionnement des batteries, j'ai appris que certains circuits ne devaient pas perdre la tension, sous peine de ne plus pouvoir redémarrer. C'est probablement dû à des mémoires volatiles (SRAM) contenant des informations vitales, qu'il faudrait reprogrammer à chaque reconnexion. Mais personne ne peut faire cela sans le matériel d'usine spécial. Alors il y a une autre solution : ajouter une alimentation temporaire, le temps du reconditionnement. En fait, je ne sais même pas si cette précaution est nécessaire pour ce pack particulier mais dans le doute, ...

Je tire de mes cartons des éléments similaires, usés mais on ne leur demande pas de fort courant. Après une bonne recharge d'appoint, ils sont prêts à prendre la relève des éléments d'origine. Mais il faut penser au moment où tous les éléments seront en parallèle, ce qui risque de créer des appels de courant (un élément rechargeant l'autre).

Pour réduire les courants, j'ajoute une résistance dans les connexions, comme sur le schéma ci-dessus. Quelques dizaines d'Ohms suffisent.

J'ai donc assemblé 3 "éléments de rechange" en série, ajouté des résistances à chaque point (donc 4 résistances en tout pour que les tensions soient équilibrées), puis connecté chaque point au pad correspondant sur le circuit de protection.

La méthode à suivre scrupuleusement est centrée autour de la mesure : vérifier deux fois plutôt qu'une chaque tension avant de souder, car connecter les fils aux mauvais points serait catastrophique. Il faut y aller progressivement, et s'assurer que la masse du circuit est au bon potentiel. Il faut donc commencer (et finir, quand ce sera la déconnexion) par ce point.

Donc en commençant par la masse et en montant vers les hautes tensions, les fils et résistances sont ajoutées avec une grande précaution. Au bout de plusieurs heures, c'est terminé et les fils du pack original sont désoudés, laissant le circuit alimenté uniquement par les bâtons de secours.

Un gadget bien pratique est le voyant indicateur de la jauge : il permet de connaître l'état de charge d'un pack sans le connecter à un ordinateur. On appuie sur un petit bouton poussoir et ça s'allume : ça marche ! L'indicateur est faible mais ce n'est pas anormal puisque la jauge est "habituée" à une batterie fatiguée.

Le remplacement

Une fois qu'on a la place libre, on peut vérifier si tout se case bien. Il faut penser à mettre un séparateur convenable (j'ai pris du carton "glacé") entre les deux niveaux de batteries pour éviter les contacts accidentels.

Normalement, il faut se procurer des éléments avec une languette ("tab") pour faciliter la soudure (c'est même plus que recommandé !) mais pour la plupart des packs de portables, des "languettes spéciales" servent aussi de pistes de connexion. Si on ajoute l'épaisseur de la soudure et du reste, cela ne tient plus (il manque un ou deux millimètres). Et arracher les languettes pour faire de la place est presque impossible. C'est donc un assemblage difficile qui s'annonce.

Maintenant, les grosses gouttes de sueur, jusque là cantonnées au front, dégoulinent partout. La soudure de ces choses-là est un danger en soi : la chaleur est mauvaise pour l'électrolyte, mais surtout des pièces en nylon risquent de fondre et provoquer l'explosion de l'ensemble. Sachant qu'un fer à souder peut atteindre 400°C (de quoi faire brûler du nylon en cas de contact direct), j'ai peur.

Je me demande si le nylon à l'intérieur peut être remplacé par du Téflon. Très probablement, mais alors cela augmenterait un peu le prix.

Le souci qui vient s'ajouter à cela est que l'enveloppe métallique conduit justement la chaleur. On la chauffe, et la chaleur se répartit rapidement sur l'ensemble de l'élément. C'est à la fois un avantage et un inconvénient : ça évite qu'un point devienne localement trop chaud et fonde le nylon, mais ça empêche la soudure de fondre car la surface n'atteint par les 300°C nécessaires !

Il faut alors développer des techniques spéciales.

Il faut vraiment des nerfs solides. Mais ça marche. Et pour commencer par le plus facile, deux ensemble de 3 éléments sont assemblés. Pour faciliter la soudure des connexions, les languettes sont étamées préalablement.

Le plus casse-douille était l'assemblage des 3 autres éléments, qu'on ne peut effectuer qu'en situation dans l'emballage plastique. Je passe sur tous les détails mais en gros, il faut plusieurs fils (donc risques d'erreurs et de fragilité mécanique) et la soudure entre deux éléments tête-bêche est très très difficile si on veut que l'épaisseur de la soudure soit presque nulle. J'ai bien failli abandonner à ce niveau mais j'ai un peu déformé le plastique pour que cela tienne.

Une fois les 3 ensembles en place et connectés indépendament, ils sont tous mis en parallèle et mis à charger pendant la nuit, afin d'équilibrer tous les éléments.

La remise en route

Après équilibrage, les connexions sont changées et mises en série.

J'ai eu droit à une surdose d'adrénaline à cause d'un contact accidentel entre deux zones que je croyais isolées. Heureusement, le fil utilisé était (ironiquement) de mauvaise qualité et l'odeur de l'isolant fondu m'a immédiatement donné l'alarme. Je n'ose imaginer ce qui se serait passé si le fil avait été isolé au silicone comme c'est la règle.

Puis le circuit de contrôle est placé dans son logement. Les connexions sont restaurées (toujours de la masse vers la tension la plus élevée) entre les nouveaux éléments et le contrôleur. Enfin les bâtons "de secours" sont déconnectés (du plus vers le moins).

Les fils et tous les points non isolés sont renforcés et protégés par du ruban adhésif. Ce n'est peut-être pas excellent car l'adhésif risque de mal vieillir, mais c'est mieux que rien.

L'épaisseur a augmenté d'un ou deux millimètres aussi, mais le pack rentre normalement dans l'ordinateur malgré tout.

Happy end

Quelques jours plus tard, Bernard m'appelle pour me remercier : après plusieurs cycles de charge/décharge totales, l'autonomie de son portable a sensiblement augmenté par rapport au pack précédent (je ne me souviens plus de combien mais c'est conséquent :-)). Au contraire, c'est moi qui le remercie pour m'avoir commandé des éléments supplémentaires de toutes formes pour ma collection personnelle :-D

J'ai passé pas mal de temps sur cette histoire, peut-être une vingtaine d'heures ou plus, mais c'est globalement un succès, largement dû à de la chance, beaucoup de préparation et des bonnes conditions de travail (c'est tout l'intérêt d'un atelier personnel et d'outils adaptés !).

Vous pouvez suivre la suite de ces aventures : l'examen des packs de Toshiba Portégé